Rencontre avec… Addictive TV – Festival Chorus
Après s’être fait connaître pour ses étonnants samples de films et de séries qui continuent de faire danser les foules partout dans le monde, le duo londonien Addictive TV était au festival Chorus pour présenter son nouveau projet en date, Orchestra of Samples. Cette performance rassemble des musiciens du monde entier d’une manière inédite dans sa réalisation et son contenu : Graham et Mark ont, pendant des années, enregistré et samplé des artistes durant leurs nombreux voyages pour créer une expérience visuelle et auditive dont le maître mot est la diversité. Qui de mieux placé que les deux principaux intéressés pour nous parler de ce programme ambitieux ?
Pourquoi avez-vous attendu si longtemps après la sortie d’Audiovisualize pour donner naissance à un nouveau projet ? Quelle est l’origine d’Orchestra of Samples ?
Graham Daniels : je ne m’attendais pas du tout à cette question, mais c’est une bonne chose ! (rires) Déjà, je dirais que la principale raison est que, légalement, ce qu’on enregistre ne nous appartient pas. On fait surtout des remix de films, comme Deadpool ou Guardians of the Galaxy, des samples de tv, et nous n’avons aucun droit de sortir tout ça. On ne s’en sert qu’en live, ce qui explique pourquoi nous n’avons rien enregistré en studio pendant tant d’années. On avait très envie de réaliser quelque chose mais il fallait que ce soit un projet personnel sur lequel on aurait les droits. Et l’idée d’Orchestra of Samples nous est venue assez naturellement, pendant l’un de nos nombreux voyages. On se déplace énormément, en partie parce qu’on a un statut un peu à part en étant un groupe de DJs, du coup on nous demande souvent d’aller dans des lieux un peu improbables : les DJs traditionnels vont à Barcelone, Tokyo, alors qu’on a déjà joué au Kazakhstan, au Caire… On a décidé de mettre à profit tous ces voyages avec l’idée inédite d’enregistrer différents musiciens dans tous ces lieux. On voulait éviter le côté monotone des tournées qui finissent par se résumer à prendre l’avion, faire un concert, aller ailleurs, faire un concert… C’était important pour nous de prendre le temps d’aller vers les autres, de rencontrer les musiciens locaux. Beaucoup de travail a été nécessaire à la composition d’Orchestra of Samples et c’est pour toutes ces raisons qu’on a mis aussi longtemps à le sortir. Désolé pour la réponse à rallonge ! (rires)
Mark Vidler : c’était aussi l’occasion pour nous de faire quelque chose d’unique qui nous tenait à cœur, c’est-à-dire attraper un appareil photo, de quoi enregistrer du bon son et partir à l’aventure avec un projet qui rassemblerait les musiciens du monde entier comme ils ne l’avaient jamais été auparavant. Ces centaines de musiciens avaient carte blanche, il n’y avait rien de planifié, ils étaient complètement libres de jouer ce qu’ils voulaient. Au départ ce n’était pas évident car ils ne savaient pas du tout où on voulait en venir (rires) mais au fur et à mesure que les morceaux se créaient ils étaient tous épatés. Ce qui les a surtout impressionnés c’était de voir à quel point le résultat final était différent de ce qu’ils avaient joué à l’origine. Certains en s’entendant faisaient « c’est… moi ?? » (rires). Et pareil en se voyant à l’écran, parce qu’on travaille aussi beaucoup sur le visuel.
Vous avez joué dans énormément de lieux divers pendant votre carrière. Y a-t-il un souvenir qui vous a particulièrement marqués au cours de vos nombreux voyages ?
MV : il y en a beaucoup, tout dépend s’il s’agit de se rappeler un très bon ou un très mauvais souvenir (rires). Par exemple, ça nous est arrivé de travailler avec des techniciens qui n’avaient aucune idée de ce qu’est un éclairage digne de ce nom.
GD : il y a une fois où l’on devait jouer à un festival au Mexique et une fois arrivés sur place on a vu qu’ils n’avaient aucun écran! Pour nous le visuel est tellement important que l’écran devient un membre à part entière du groupe, mais eux ne comprenaient pas quel était le problème et pourquoi on était aussi frustrés. Il y a vraiment eu un énorme problème de communication ce jour-là. Mais si je devais penser à un très bon souvenir je dirais que le concert qu’on a fait récemment au Quai Branly était génial ! Il y a aussi WOMAD, un gros festival anglais pour lequel on avait envie de jouer depuis des années mais qui ne nous l’avait jamais proposé. On a finalement pu en faire partie l’année dernière et c’était assez incroyable ! Je pense que c’est l’un de nos meilleurs concerts. On y a rencontré cet homme qui était venu à WOMAD parce qu’il voulait absolument voir Seu Jorge mais en entendant parler d’Orchestra of Samples il a décidé de venir nous voir jouer et de rater Seu Jorge. Il a dit qu’il ne regrettait pas sa décision et ça nous a fait très plaisir !
MV : je me rappelle aussi d’un concert au festival Pirineos Sur, en Espagne, qui m’a vraiment marqué parce qu’on jouait sur une scène flottante. C’était génial, les gens faisaient des plongeons pendant le concert ! (rires)
Vous sentez-vous nerveux avant de monter sur scène ou êtes-vous tellement habitués à jouer que vous ne ressentez plus aucun stress ?
GD : ça dépend. Parfois je ne stresse pas du tout et il y a d’autres jours où je suis super nerveux, sans raison. Ça n’a rien à voir avec la taille de la salle ou ce genre de choses, il n’y a pas de raison précise.
MV : la seule raison qui peut vraiment me faire stresser, c’est quand il y a un truc qui va de travers. On essaye toujours de tout donner au public pour qu’il passe le meilleur moment possible ! Donc c’est très frustrant quand les choses vont mal pour des raisons techniques, quand les techniciens ne comprennent pas ce qu’on veut par exemple.
GD : c’est toujours un plaisir de travailler avec des techniciens qui ont lu nos instructions et qui les ont parfaitement comprises. Mais au contraire, c’est un enfer d’être confrontés à ceux qui ne font pas l’effort de comprendre et se disent juste « ok, c’est un groupe qui fait plus ou moins du rock, on va mettre tous les spots sur eux » (rires) alors que dans ces conditions on voit à peine ce qu’il y a sur l’écran. Et pour nous l’écran est un élément primordial ! On ne s’en sert pas seulement pour créer une ambiance, c’est vraiment plus que ça, l’écran fait partie du groupe à part entière.
La dernière fois que vous avez joué à Paris c’était en novembre dernier au Quai Branly. Êtes-vous heureux d’être de retour ?
GD: absolument ! La France est un peu comme notre deuxième maison et pour être honnête on joue plus souvent en France qu’au Royaume-Uni, à part en ce moment puisqu’on tourne principalement là-bas. On adore jouer en France parce qu’on s’y sent vraiment à l’aise. C’est aussi un lieu particulier pour nous car Orchestra of Samples a été en partie financé par Canal 93, à Bobigny, et on y a enregistré pas mal de sessions. Les autres ont été enregistrées dans d’autres pays, en Chine ou au Japon par exemple, mais c’est clair que ce projet est en grande partie made in France (rires). On aime aussi beaucoup la France parce qu’une certaine façon le public semble plus ouvert ici ; j’irais même jusqu’à dire qu’on est plus appréciés ici qu’au Royaume-Uni ! On a joué au centre Pompidou il y a quelques années par exemple, mais on n’a jamais joué dans aucun grand lieu représentant la culture anglaise de façon aussi emblématique chez nous.
Quels sont les artistes de la programmation de ce week-end que vous recommanderiez ?
GD : Addictive TV ! (rires) Je recommanderais Gaël Faye sans hésiter. Il a beaucoup de talent et nous avons eu l’occasion de l’enregistrer pour Orchestra of Samples. J’ai aussi entendu dire par pas mal de monde que Panda Dub était très bon donc pourquoi pas ?
Quelques infos sur l’actu d’Addictive TV :
La sortie d’Orchestra of Samples en juin dernier
Un projet de remix autour de deux morceaux de l’album
La liste des artistes ayant participé à Orchestra of Samples
Les dates de leur tournée sont ici
Lydia Mdjassiri