Various : Blue Note Re-imagined 2020
Un double album comme un double trait d’union entre les compositions d’artistes mythiques du label new-yorkais et la jeune génération de jazzwomen et de jazzmen actuels. Une jonction trans-atlantique également car c’est toute la bouillonnante scène anglaise qui se frotte à quelques monuments de l’histoire musicale du Jazz américain.
Que l’on ne s’y trompe pas, cette très belle production n’est pas un album de reprises. Toutes les pistes sont retravaillées, réinterprétées, réarrangées, ré-imaginées, le titre de l’album le dit explicitement. Elles deviennent les compositions personnelles de chaque artiste. Il est d’ailleurs surprenant que la couleur, l’identité sonore de l’interprète se manifestent d’abord, la composition originale se reconnait (parfois), quant à elle, dans un second temps.
Le cortège de jeunes musiciens fournit ici un travail remarquable de justesse et de précision. Le sérieux de leur mission se lit d’ailleurs sur leurs visages photographiés et présentés dans la double page intérieure de la pochette. Il ne fait aucun doute que d’enregistrer une session pour Blue Note doit mettre une sacrée pression !
Il faut néanmoins aborder ces 2 disques avec une prudence. Une mise en garde s’impose. Ce sont 14 artistes ou groupes aux styles très différents qui ne demandent désormais qu’à être découverts à leur tour pour ce qu’ils sont, ce qu’ils créent, ce qu’ils jouent !
Mais ce sont aussi des compositions de Wayne Shorter, de Joe Henderson, de Tyner McCoy et de Herbie Hancock qui feront naître l’envie d’aller se replonger dans leur discographie respective. Autrement dit, le temps va nous paraître beaucoup, mais alors beaucoup trop court !
On ne saurait clore cette chronique sans insister sur les performances particulièrement remarquables de quelques musiciens.
Shabaka Hutchings s’approprie une composition du vibraphoniste Bobby Hutcherson où la clarinette basse remplace la percussion sans lui retirer ni la cadence ni la chaleur des harmonies. Un tour de force que seul un artiste de la dimension de Shabaka Hutchings peut se permettre.
Bien évidemment on se régalera d’une reprise de Saint Germain (Tiens, que vient-il faire ici, parmi tous ces américains ?) par Jorja Smith. Mais la très féministe Poppy Ajudha tire également son épingle du jeu avec une excellente réinterprétation du Watermelon Man du grand Herbie Hancock !
Pour conclure la talentueuse saxophoniste Nubya Garcia offre, sur l’ouverture du second disque, une réinterprétation magistrale, pleine de groove d’un titre de Joe Henderson, demi-dieu du sax !
S’il ne fallait n’en retenir qu’un, ce serait sûrement ce morceau !
Nicolas Duquenne