I put a spell on you

Nina Simone – I put a spell on you

décembre 2020 |

« Le jazz est un terme blanc, pour parler des Noirs. Ma musique est de la musique classique noire », Nina Simone.

Nina Simone (1933/2003), de son vrai nom Eunice Kathleen Waymon, est une des grandes prêtresses de la soul musique et du jazz & blues. Elle est à la fois pianiste, chanteuse et compositrice. Au milieu des années 1960, elle s’est engagée, pour la défense des droits civiques et sa musique a été reprise, dans la lutte pour l’égalité des droits des Noirs américains. Elle a marqué toute la génération, qui a lu Angela Davis.

L’album I put a spell on you a été édité, en 1965, chez Philips Records, aux USA, par un des labels de Columbia. Nina Simone en est l’interprète. I put a spell on you est la chanson, qui est en tête de l’album. Elle a été composée par Screamin’ Jay Hawkins, en 1956. C’est également le titre de l’autobiographie de Nina Simone, publiée en 1992, chez Hachette, où elle décrit son existence libre, tumultueuse et passionnante. La première version de I put a spell on you était ironique et n’a eu aucun succès, en raison du boycott des radios. Et pourtant, la seconde version s’est classée parmi les quarante premières places des charts de l’époque. Cette dernière fut un des grands succès commerciaux de Nina Simone. D’autres morceaux sont sur l’album, mais ils sont moins connus, à l’exemple de Tomorrow is my turn, qui est une reprise de la chanson L’amour c’est comme un jour (1962), de Charles Aznavour, ou encore de Feeling good, composée par Anthony Newley et Leslie Bricusse, où elle chante : « Les oiseaux volent haut, tu sais comment je me sens. Le soleil dans le ciel, tu sais comment je me sens. […] C’est une nouvelle aube. C’est un nouveau jour. C’est une nouvelle vie. Oh et je me sens bien », pour nous donner des ailes.

I put a spell on you est une chanson d’amour, une ballade, portée par des cuivres et des cordes, à la voix grave. I put a spell on you signifie, en Français, « Je t’ai jeté un sort ». Nina Simone, avec humour, joue à la sorcière, qui envoûte son public, à l’image de ses aïeux africains. Dans cette chanson, on peut écouter l’histoire des esprits vaudous et comprendre les traditions africaines de la magie noire. Nina Simone chante, comme si elle était en transe et s’adresse directement aux auditeurs en leur disant « Je t’ai jeté un sort, parce que tu es à moi (… ) ».

Son humour noir peut faire peur aux blancs, mais ce n’est que de l’humour. Il s’agit d’un choc des cultures. En effet, Nina Simone est une américaine noire, d’origine africaine. Pour les noirs, il s’agit d’humour noir, de traditions immatérielles, surnaturelles, qui s’inscrivent dans l’histoire africaine. Aux sons de cette chanson, on peut être hypnotisé et envoûté comme dans un jeux de séduction. C’est une preuve de talent, qui a eu un retentissement sur d’autres musiciennes, comme par exemple Natacha Atlas, dans la bande originale du film, Intervention Divine, d’Elia Sulmeinan, qui a obtenu le prix du jury du Festival de Cannes, en 2002. Cela démontre qu’un classique de l’histoire du jazz, a insufflé de l’énergie créatrice à une chanteuse belge, d’origine égypto-anglaise, qui tentait alors de réconcilier l’Orient et l’Occident. C’est pourquoi, il s’agit d’une chanson inspirante. Nina Simone déclare, dans son autobiographie « Je vis entre deux mondes, le monde noir et le monde blanc. Je suis Nina Simone, la star, et je ne suis pas elle, je suis une femme. Mon moi le plus secret se trouve (…) entre ces mondes ». En deux mots, Nina Simone fait le le grand écart entre le monde des Blancs et le monde des Noirs, tout comme Natasha Atlas fait aussi le grand écart entre l’Orient et l’Occident. Leur souplesse mutuelle prouve leur engagement politique.

Monia Douib