Promises

Promises – Floating Points & Pharoah Sanders

avril 2021 |

C’est l’album transgénérationnel par excellence qui réunit Pharoah Sanders (presque 80 ans) et Sam Shepherd aka Floating Points (34 ans). Et il tient ses « Promises ».

Avec Pharoah Sanders, on convoque John et Alice Coltrane mais aussi Sun Ra ou encore Don Cherry. On est loin d’imaginer ce saxophoniste de légende aux cotés de l’imposant London Symphony Orchestra et acolyte du moment du discret Sam Shepherd, surtout connu pour son électro introspective et minimaliste.

Rarement un équipage tant hétéroclite aura conduit une si parfaite composition !

Disons-le tout de go, c’est d’un véritable petit chef-d’œuvre qu’il nous revient aujourd’hui de tenter de rédiger la chronique.

Avec son passé de jazzman autodidacte, père fondateur du Free-jazz, Pharaoh Sanders est coutumier des collaborations originales : on le trouve au cours de sa longue carrière avec Alice Coltrane, avec « Method Of Defiance » (déjà un penchant pour la musique électronique ?) et dernièrement avec Maleem Ghania. S’affranchissant de toute chapelle musicale, ce ne sont pas moins de 60 ans d’expérience que Pharaoh apporte avec lui lorsqu’il accepte de participer à Promises. Son saxophone ténor saura alors s’imposer, mais aussi se faire discret sur l’ensemble des mouvements de la composition orchestrale.

Sam Shepherd, plus connu sous son pseudonyme d’artiste : Floating Points est le compositeur de Promises. Il se place également derrière les multiples claviers de son piano, de ses synthés et du curieux celesta que l’on attend résonner et percuter au début du disque. Et, bien que différentes pistes soient nommées Movements 1-5 puis Movements 6-9, c’est bel et bien un seul et même morceau qui a été composé, basculant imperceptiblement d’un mouvement à un autre.

Un arpège égrené sert de fil conducteur à l’ensemble complexe et subtil en ajustement et adaptation permanents. Docteur en neurogénétique (excusez du peu !), Sam Shepherd a peut-être déserté les laboratoires mais sa formation et son objet de recherche sont toujours présents : le cerveau et ses infinies connections sont sollicités comme rarement lors de l’écoute de Promises.

A la croisée de la musique « classique », de la musique « contemporaine », du jazz et des musiques électroniques, Promises n’appelle pas à la classification, mais à l’émotion. Cette œuvre s’enrichit à chaque écoute, génère de nouvelles sensations, révèle de nouvelles subtilités. N’est-ce pas le propre de notre cortex cérébral d’agir ainsi ?

La musique justement. Tantôt empreinte de la plus grande délicatesse, tantôt laissant au saxo la possibilité d’insuffler son âme, tantôt conduisant les cordes vers des sommets de sensibilité. A la fois cinématographique, expressive, personnelle et onirique, elle est surement d’une autre galaxie…ce que l’ami de longue date de Sun Ra ne pouvait laisser passer.

Nicolas Duquenne