Oumou Sangaré – Mogoya
Après 8 ans de silence, Oumou Sangaré nous revient avec un nouvel album, sur un nouveau label No Format, mais avec la même détermination : celle de défendre le droit des femmes africaines. N’allons pas croire que durant cette longue parenthèse musicale, notre grande dame était restée inactive. Bien au contraire. Businesswoman accomplie dans l’hôtellerie, dans la transformation de voitures importées en taxis et dans l’agriculture, Oumou Sangaré est également une figure de proue de la lutte contre les inégalités en tout genre, ambassadrice de la culture et du dynamisme africain. Bref, de quoi occuper bien plus que 8 années chez le commun des mortels !
Initier la rencontre avec Mogoya commence avec la splendide pochette réalisée par un grand nom de la peinture contemporaine africaine : JP Mika. Artiste congolais révélé au grand public lors de l’exposition de la Fondation Cartier. Voilà notre diva sapée à la façon congolaise, hauts talons bleus et jaunes, tunique pourpre laissant entrevoir la jupe aux couleurs des escarpins sur fond de grosses fleurs colorées. Seul le carrelage terne est noir et blanc, une allégorie des vieux clivages que notre diva foule aux pieds.
Les 9 morceaux de Mogoya sont à l’image de la personnalité entière et intègre d’Oumou Sangaré. Ils sont tous composés et joués selon les codes rythmiques et harmoniques de la musique malienne mais ils accueillent des sonorités clairement plus occidentales, parfois ouvertement électro pour une fusion très réussie. Oumou Sangaré insiste sur l’importance de conserver les traditions, sans pour autant qu’elles soient un frein ou un obstacle au progrès.
Tout l’album met en scène les rapports humains, ce que signifie littéralement « Mogoya ». Chaque titre évoque une problématique chère à l’artiste. Bena Bena traite de l’ingratitude des hommes, Mali Niale est un message adressé à la diaspora malienne pour revenir au Pays et construire le futur. Kamelemba en appelle à la vigilance des jeunes filles face aux beaux-parleurs, coureurs de jupons. Les ravages des rumeurs et ragots font l’objet de Kounkoun. Avec Tony Allen en guest et métronome implacable, le second titre de l’album Yere Faga est une référence au suicide auquel pourrait être poussé tous ceux et celles qui voient leur honneur bafoué.
La conviction de la chanteuse malienne porte chacun des 9 titres de ce nouveau disque. En porte-parole des femmes africaines c’est une œuvre empreinte de dignité, de respect et de courage qu’a construit Oumou Sangaré………. et on la remercie.
Nicolas Duquenne
Vinyle disponible chez Balades Sonores