Mandela Effect de Gonjasufi
En 3 albums Gonjasufi a créé un son (un style ?) identifiable entre tous. Le décrire relève du tour de force, tant celui-ci repose sur une multitude de détails dont l’unité constitue l’identité. La voix lointaine, susurrante, fragile, parfois faussée voire brisée; l’accompagnement tour à tour bruitiste, minimaliste, technoïde ou tout à la fois, est inclassable mais pourtant reconnaissable. Ces ingrédients musicaux complexes, Gonjasufi les construit méthodiquement, les assemble scrupuleusement puis les confie à un aréopage de confrères (tous plus prestigieux les uns que les autres, nous y reviendrons plus loin) pour une renaturation totale. En résultent des remixes éblouissants qui réussissent à conserver le sceau initial de Gonjasufi.
Triturer, arranger des sons originaux plutôt sales, rugueux et râpeux pour en produire des pistes entièrement différentes les unes des autres était un pari risqué. Autant le dire sans détour, Mandela Effect est une réussite totale !
Il est d’autant plus remarquable que pour la quasi-totalité des morceaux, 2 versions sont proposées. Jamais redondants ni ennuyeux ces remixes identifient bien au contraire leurs auteurs respectifs.
Daddy G pour la 1ère version de Your Maker nous rappelle à quel point l’obscure clarté de Massive Attack nous manque. Anna Wise, à l’œuvre sur le même titre le met en tension, déployant une langueur toute érotique.
Afrikan Spaceship a droit à un triple traitement : Shabazz Palaces pour une version dopée aux stéroïdes et parcourue de bout en bout par les ronflements de puissantes cylindrées. Ras G, fidèle à sa philosophie, compose un morceau minimaliste empruntant clairement à la religiosité rasta. King Britt conclut par un bon gros dub enrichi d’incantations mystiques. Celles-ci offrent d’ailleurs une subtile transition vers la piste suivante : The Kill.
Enfin arrive l’attendu Etherwave de Tony Allen. On a hâte de découvrir, depuis l’annonce du featuring sur la pochette, ce que l’ex-batteur de Fela vient faire ici. En quelques battements caractéristiques, sa marque est apposée. La seconde partie du morceau s’engage alors se contentant de placer sa batterie en écho.
Chaque piste pourrait être commentée avec la même précision, car c’est à la suite des écoutes successives que se révèle toute la précision de ce travail collaboratif d’une si rare homogénéité. Pas d’autre choix donc pour le mélomane exigeant que d’investir sans plus tarder dans cet indispensable LP !
Nicolas Duquenne
Vinyle disponible chez Balades Sonores