DAMN

Kendrick Lamar – DAMN

avril 2018 |

Est-il vraiment nécessaire de présenter Kendrick Lamar en 2018 ? Probablement pas. Le jeune artiste américain règne sur le monde du rap depuis déjà plusieurs années, le succès ayant soudainement frappé à sa porte après la parution de son deuxième album Good Kid, M.A.A.D City, porté par les singles Swimming Pools et Bitch Don’t Kill My Vibe en 2012. Mais c’est en 2017 avec la sortie de DAMN. que la consécration se fait véritablement. Le rappeur est acclamé par le public ainsi que par la profession et l’album est sans nul doute l’un des meilleurs de l’année. Pourtant Kendrick Duckworth, de son vrai nom, ne s’arrête pas là et à peine quelques mois après il se permet l’originalité de ressortir DAMN.… en inversant sa tracklist. Pourquoi ?

« We gon’ put it in reverse », peut-on entendre Kid Capri affirmer sur le dernier morceau, DUCKWORTH. Dès sa sortie, c’est une invitation plus qu’explicite à explorer l’album qui nous est adressée ; et cette remarque prend tout son sens avec la réédition qui fait se questionner sur la l’architecture du disque. Elle révèle également que l’idée d’inverser la tracklist existe depuis la production de l’opus. Ainsi on entend l’album se rembobiner jusqu’à ce que résonne la première phrase prononcée par Kenny sur BLOOD. : « So I was taking a walk the other day… », après un coup de feu qui fait écho à celui entendu sur ce même titre. L’album forme en fait une boucle, tout simplement. Le début et la fin sont interchangeables et si les thèmes restent évidemment les mêmes – puisque seul l’ordre des chansons change avec .NMAD, comme l’appellent les fans – on les observe avec un nouvel œil. La politique, la fierté, des émotions plus intimes comme l’amour, la solitude ou l’angoisse sont les sujets récurrents des textes de Kendrick, mais en choisissant DUCKWORTH. en titre d’ouverture il se place au premier plan, au cœur de son œuvre ; c’est son histoire qu’il raconte : comment il aurait pu grandir sans père, ne jamais être signé, rester dans la galère… Et au contraire, achever .NMAD sur BLOOD. donne une dimension plus collective à ses paroles puisque c’est l’état de son pays que Kendrick dénonce en alertant le public sur la mise à mort du peuple noir qui est jusqu’à maintenant une réalité aux USA ; il revient d’ailleurs sur ces thèmes engagés avec d’autres titres comme XXX..

NMAD donne aussi une lecture plus positive au disque. On part de sentiments sombres comme la peur avec FEAR. et XXX. pour aller vers une atmosphère plus légère avec LOVE., qui est une déclaration d’amour que l’artiste adresse à sa fiancée Whitney Alford, ou encore avec HUMBLE. et LOYALTY., deux des trois singles de l’album, appréciés pour leur incroyable pêche et leur côté très catchy. Quant à DNA., avant-dernier titre dans cette version, il sonne comme une affirmation de soi, une revendication de son identité et l’expression de la fierté du rappeur d’avoir réussi à percer en partant de rien. Mais d’une certaine manière, faire succéder BLOOD. à ce titre plein d’impertinence rend la chute encore plus brutale, donc plus tragique, et cela ne peut être dû au hasard.

Que ce soit à l’endroit où à l’envers, DAMN. séduit et impressionne, bien évidemment. Avec cette réédition une nouvelle lecture de l’album nous est offerte et peut-être cela nous permet-il de mieux comprendre la vraie signification de certains titres, qui sont tous plus profonds que l’on pourrait le croire au premier abord. Il faut aussi saluer le talent de Kendrick Lamar qui ne laisse véritablement rien au hasard. Sa réputation de roi du rap est sans aucun doute possible bien méritée.

Lydia Mdjassiri