In The Moment

Makaya McCraven – In The Moment

décembre 2019 |

Sorti en 2015 chez International Anthem, le label de Chicago qui a le vent en poupe, In The Moment est aujourd’hui un album en passe de devenir culte. Le pari n’était pourtant pas gagné d’avance avec les 3 disques nécessaires à l’enregistrement des 28 morceaux. Soit près de 2 heures de bon son !

Revenons un instant sur le format peu courant de l’album : Il faut être sacrément ambitieux (les mauvaises langues diront arrogant) pour débuter sa carrière avec un triple album et qui plus est, enregistré live. Cependant, il nous vient à l’esprit la somptueuse première sortie de Kamasi Washington « The Epic », elle aussi composée de 3 disques absolument impeccables ! On souhaite évidemment le même avenir à Makaya McCraven.

Les 3 disques regroupent plus de 48 heures de live-sessions lors de la résidence de l’artiste au Bedford Club de Chicago. Ces sessions ont toutes été retravaillées, coupées, assemblées, superposées par l’artiste pour composer le présent coffret.

Il est probable que les auditeurs n’écouteront pas les 3 disques les uns à la suite des autres : trouver 2 heures totalement libres pour les dédier à l’audition d’In The Moment ne court pas les rues en ce moment ! Qu’importe, puisque les compostions se succèdent avec variété et éclectisme, laissant toute liberté de lever le bras de la platine pour ne le reposer que quelques heures, voire quelques jours plus tard. De plus, la durée relativement brève des morceaux (rarement plus de 5 minutes) se prête parfaitement à cette écoute erratique de telle ou telle face d’un des disques.

La présence d’excellents musiciens aux cotés de Makaya McCraven lui permet de s’aventurer au-delà des territoires sonores habituellement parcourus par le jazz. Ainsi le vibraphoniste Justin « Justefan » Thomas se révèle un véritable orfèvre lorsqu’il s’agit de développer une ligne mélodique, la moduler, et l’entraîner vers de subtiles variations. L’intervention de plusieurs bassistes et d’un talentueux trompettiste (Marquis Hill) teinte un morceau tel que « Lonely » d’un groove qu’aucun rappeur ne renierait !

Autant le dire, les puristes d’un jazz vieillot, engoncé dans ses certitudes et ses schémas d’une autre époque (que les moins de vingt ans…..) seront bousculés, surpris et probablement ulcérés par ce nouveau pavé qui jonchera désormais les chemins sinueux de ce courant musical si vivant et si inspirant !

Nicolas Duquenne