Un instant avec… The Wombats
Trois ans après leur excellent Glitterbug, The Wombats sont de retour pour nous faire découvrir leur nouveau bébé, Beautiful People Will Ruin Your Life, qui sera dans les bacs dès vendredi. Comme toujours, le trio anglais nous offre des titres explosifs : les morceaux se font tantôt posés, tantôt catchy, et pas un ne nous laisse indifférent. De toute évidence, le groupe a su conserver l’énergie folle de ses débuts ; énergie qui se retranscrit d’ailleurs dans cette interview à l’atmosphère chaleureuse et bon enfant. Retour sur une rencontre pleine de bonne humeur avec Matthew, le chanteur, et Dan, le batteur, dans un salon douillet de la capitale enneigée.
Beautiful People Will Ruin Your Life sort cette semaine. Comment décririez-vous l’album en quelques mots ?
Arc-en-ciel,Technicolor, Polaroid, pop. (rires)
Avez-vous l’impression que votre style a beaucoup changé depuis la parution de votre premier disque ?
Matthew : Oui, clairement. Je dirais que le premier album était plutôt le résultat d’un accouplement entre les Strokes et Interpol… (rires) Et sur les deux albums suivants on était plus dans une ambiance dance. Ce nouvel album sonne plus comme sonnerait un vin naturel. (rires)
Est-ce que vous diriez qu’après avoir sorti un certain nombre d’albums il y a une pression qui se fait ressentir pendant la phase d’enregistrement en studio, notamment de la part du public ou même de la critique ? Vous demandez-vous ce qu’ils attendent de votre musique ?
Dan : En fait, je dirais qu’il y a beaucoup moins de pression. Pour le premier opus on n’était pas trop stressés parce qu’on avait beaucoup joué nos titres en live, on avait déjà fait une tournée, tout s’est mis en place très naturellement. On a enregistré environ une chanson par jour, au final c’était presque comme enregistrer un album live. Ensuite, pour les deuxième et troisième albums on s’est vraiment plus attardés sur les détails de la production, tout en étant sous la pression de notre label en raison du succès du premier disque. Je pense qu’on a acquis plus de maturité avec Beautiful People Will Ruin Your Life, on s’est rendu compte que c’était ridicule de se mettre la pression. On a laissé tomber les petits détails sur lesquels on avait l’habitude de s’attarder, du genre « est-ce que je devrais jouer cet accord comme ci ou comme ça ? ». Tout paraît plus naturel et plus simple quand on se laisse aller et de bonnes choses découlent du fait dans un état d’esprit sain. Et surtout je dirais que la maturité et l’expérience sont le point central de ce changement. On a travaillé avec le même producteur que pour Glitterbug, Mark Crew ; c’est un bon ami et cela nous a beaucoup aidés car il savait où on voulait aller et comment y arriver. Au final on n’avait aucune raison de s’angoisser parce qu’on savait que le résultat serait forcément bon.
Allez-vous faire partie de quelques festivals cet été ?
Oui, on prévoit de faire plusieurs festivals mais rien n’a été annoncé officiellement pour l’instant. On a une tournée de trois semaines prévue avec les Pixies et Weezer cet été aux États-Unis et du coup on ratera quelques festivals européens, donc en principe on en fera seulement quelques-uns.
Vous avez une date prévue à Paris le mois prochain, à la Maroquinerie. Comment qualifieriez-vous vos fans français exactement ?
On est très chanceux d’avoir des fans aussi géniaux dans le monde entier, et je pense que les fans français sont tout aussi géniaux que les autres. Mais je dirais que pendant les concerts ils sont moins sauvages que les publics allemand, australien ou britannique par exemple. Ils sont beaucoup plus cérébraux, on voit qu’ils écoutent vraiment la musique et qu’ils la ressentent profondément. En Angleterre, les fans font du crowd surfing, ils hurlent et se renversent leur bière sur la tête. (rires) Ici, les gens sont vraiment attentifs ; c’est une autre atmosphère, une façon de s’amuser et de profiter du concert qui est totalement différente.
M. : Peut-être que les Français sont juste plus cool. (rires)
Où trouvez-vous votre inspiration ? Avez-vous des modèles et des influences précises ou essayez-vous d’être aussi créatifs et originaux que possible ?
M. : Il y a des chansons et des groupes qu’on aime tous et que le producteur aime aussi, on se sent connectés à eux. Mais on préfère quand même s’inspirer de la vraie vie pour composer, d’après moi c’est vraiment plus intéressant et plus inspirant.
D. : Il y a aussi le danger d’écouter un artiste ou un morceau, de penser « je veux écrire quelque chose qui sonnera exactement comme ça » et de finir avec une copie de l’original. C’est le genre de choses qu’on veut absolument éviter.
Êtes-vous excités à l’idée de faire découvrir vos nouveaux morceaux à vos fans ? Quelles sont les chansons que vous avez le plus hâte de jouer en concert ?
D. : On vient de tourner dans les États-Unis et on a pu tester quatre des nouvelles chansons en live, les réactions étaient vraiment encourageantes. C’est en jouant pour le public que tout ce qu’on fait prend tout son sens.
M. : C’est à ce moment-là que les chansons commencent vraiment à exister. Les réactions peuvent être différentes de celles auxquelles on s’attendait et c’est pour ça que c’est assez dur de répondre à cette question. Tout dépendra de l’enthousiasme du public envers telle ou telle chanson.
Cela vous semble-t-il un peu bizarre de continuer à chanter des titres que vous avez composés il y a plus de dix ans, comme Let’s Dance to Joy Division ? Parvenez-vous toujours à vous identifier à la personne que vous étiez à l’époque ou est-ce que toute cette période vous paraît totalement étrangère parce que trop lointaine à présent ?
D. : Tout dépend de l’atmosphère, de notre état d’esprit à ce moment précis, de ce qui s’est passé le jour d’avant, du public… Parfois c’est vraiment génial et parfois on se sent comme un vieux groupe de karaoké faisant une reprise de nous-mêmes. Quand on fait six concerts par semaine il peut arriver qu’on monte sur scène en ne se sentant pas prêts du tout. On essaye de se concentrer et de se mettre dans le bain et c’est l’énergie du public qui finit par nous entraîner. Quand on joue de vieux morceaux, on a des flashbacks, des souvenirs de répétitions ou d’enregistrements qui remontent à la surface, et c’est vraiment sympa.
Il y a beaucoup d’ironie et de traits d’esprit dans vos chansons, comme dans Lethal Composition avec And if you wake up feeling happy/You’re doing it wrong par exemple, ou bien sûr avec le refrain de Let’s Dance to Joy Division. Qu’est-ce qui est le plus important pour vous, la partie instrumentale ou les paroles ? Quand vous écrivez un morceau vous occupez-vous d’abord de composer la musique ou bien de trouver quoi dire ?
M. : Chaque morceau est vraiment différent. En général on choisit d’abord un titre et s’il m’inspire je vais tout de suite commencer à écrire, quitte à y passer des semaines ou des mois.
Avez-vous déjà commencé à penser à ce que vous allez faire par la suite ou préférez-vous prendre votre temps comme vous l’avez fait avec l’enregistrement de cet opus ?
D. : En ce moment on est concentrés sur la sortie de l’album, la tournée, tant de choses sont en train de se passer… Je pense qu’on commencera à y réfléchir sérieusement dans quelques mois seulement. Il ne faut pas trop s’éparpiller.
Pensez-vous que vous pourriez décider sur un coup de tête d’explorer un style de musique complètement différent, en vous mettant à composer des titres très psychédéliques par exemple ?
D. : Sur cet album il y a certains morceaux qui ont une sonorité assez psychédélique. On ne sait jamais, je ne vois pas de raison de ne pas le faire tant que cela vient spontanément.
M. : On pourrait faire un album sans paroles qui serait juste un bœuf sans fin par exemple, mais ce n’est pas ce qu’on veut faire en ce moment. Ce serait drôle à faire mais ce serait plus pour nous-mêmes que pour être entendu par un public.
D. : Ce qu’on devrait faire c’est aller au studio, fumer de la weed du matin au soir et voir le genre d’EP qui en ressort. (rires) Ce serait surtout marrant de le réécouter à quatre-vingts ans et de se dire « mais qu’est-ce qu’on a fait ? »
M. : Le plus important serait d’être complètement conscients que ce qu’on jouerait serait forcément merdique. (rires)
J’ai besoin que vous me donniez quelques recommandations musicales. Donnez-moi votre groupe, album ou chanson du moment.
D. : Le dernier album de Bon Iver, 22, A Million, est super.
M. : On aime tous beaucoup Elliott Smith, qui s’est surtout fait connaître après sa mort. Je pense que c’est le genre d’artistes que tout le monde devrait écouter.
Lydia Mdjassiri