Feu ! Chatterton – Le 27 janvier 2016 au Trianon
Pour être honnête, c’est un peu perplexe que je me suis rendue au concert de Feu ! Chatterton le mercredi 27 janvier 2016. Mon père, toujours à l’affût de nouveaux groupes qui sortent du lot, m’a offert des places en me promettant un moment très particulier. Je ne connaissais pas ce groupe, simplement de nom. Curieuse de savoir à quoi m’attendre, j’ai écouté un morceau de leur premier album Ici le jour (a tout enseveli), sorti fin 2015. Étrange, très étrange. De prime abord, je ne sais pas vraiment quoi en penser. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils ont quelque chose d’atypique.
Côte Concorde, un morceau qui prend aux tripes
C’est légèrement en retard que j’arrive dans cette belle salle qu’est le Trianon, mais il ne me faudra pas plus de trente secondes pour que l’orateur – car il n’y a pas de mot plus juste pour décrire Arthur, le chanteur – capte toute mon attention. Je suis frappée par sa voix, je crois même entendre celle l’acteur belge Benoît Poelvoorde. Il évoque la mer, un navire, et instaure une ambiance mystérieuse en introduisant Côte Concorde, un morceau qui prend aux tripes et relate ce tableau tragique de 2012 : le naufrage du Costa Concordia. « Du ciel tombent des cordes, faut-il grimper ou s’y pendre ? » clame-t-il tel un cri de détresse. Il nous embarque avec lui au cœur du naufrage et ça n’est plus à Poelvoorde mais à Brel ou Bashung que l’on pense. Le chanteur, au charisme incroyable, est tel un grand gourou moustachu devant ses fidèles, hypnotisant. En entamant À l’Aube, Le Trianon plein à craquer fait presque croire à un groupe sectaire réuni en secret.
Le morceau suivant est introduit de manière théâtralisée : « Profitons de cette ardeur pour aller plus loin… ». Ponctuant ses paroles de petits rires mystérieux, il nous parle comme à une conquête qu’il souhaite entrainer dans une forêt de pins, pour lui faire l’amour sous une brume épaisse. C’est l’heure de La Mort dans la Pinède. Un morceau beaucoup plus rock, dont Arthur débite les paroles d’une voix épileptique. Le spectacle est très chorégraphique, les guitaristes alternant des grands sauts de part et d’autre du chanteur qui semble totalement possédé.
Une atmosphère onirique
La tempête passe et le groupe nous offre alors deux douces balades : Bic Medium, un rock assez sombre, jusqu’à ce qu’un petit ukulélé nous surprenne. Puis c’est au tour de Camélias, qui révèle l’obsession de Feu ! Chatterton pour les fleurs et les femmes : « Tu seras belle éternellement, bordée de camélias ». Les mots sont délicats, et plongent la salle dans une atmosphère très onirique. Changement de décor : Arthur compare désormais le Trianon à une grande plaine au printemps, où chacun d’entre-nous serait venu pique-niquer. Des avions traversent le ciel : C’est Porte Z.
L’accalmie n’aura pas duré longtemps, on sent la salle s’agiter durant la déclaration d’Arthur : « C’est le moment le Trianon, chacun danser à sa façon ! ». Tout le monde attendait Boeing, véritable tube qui fait frétiller tout le public, enfin prêt à se lâcher complètement. Et pourtant, c’est déjà l’heure du rappel. Arthur fait tomber la veste, et annonce Pont Marie susurrant de belles paroles au micro : « N’ayez pas peur le Trianon, allons ensemble danser sur le pont… ». Les mots nous touchent en plein cœur, on a l’impression que ce morceau s’adresse à chaque femme de la salle.
La Malinche vient désinhiber les derniers danseurs hésitants, avec ses « Ooooh Ouiiiii ! ». Et tout le monde se remet à se trémousser comme si c’était la dernière fois. Car oui, la fin du concert approche, et c’était fort. Mais nous, on en veut encore. Et c’est plein de douceur que Feu ! Chatterton revient vers nous pour une jolie reprise de Polyphonic Size, Je t’ai toujours aimée.
Un français assumé, sublimé par des mélodies enivrantes
Puis ça y est, on nous annonce la fin du voyage : « Partons une dernière fois tous ensemble quelque part… ». Le temps est passé si vite, tant on a vécu de choses. Et c’est à Harlem que l’on s’envole. On ne pouvait rêver mieux comme adieu. Harlem nous régale avec une ligne de basse délicieuse et nous plonge au cœur d’un office protestant. Le phrasé-chanté rappelle les gars de Fauve, dont ils ont fait la première partie de leur tournée. Mais en plus lyrique et moins cru. Le gospel, le sermon du prêtre, des touristes espagnols… Ils nous racontent, puis disparaissent.
C’est donc totalement émerveillée que je quitte le Trianon. Ce concert est un énorme claque. Car un concert de Feu ! Chatterton, ça n’est pas simplement un enchaînement de chansons. C’est une histoire, un cheminement qui nous mène d’un lieu à un autre, nous rendant témoins de divers événements et situations. Et surtout, c’est si beau d’écouter un français assumé, sublimé par des mélodies enivrantes et des musiciens talentueux. L’univers de Feu ! Chatterton prend tout son sens en live, nous offrant un véritable voyage dont il est difficile d’en accepter la fin.
Coline Philbet