Urban Village – Udondolo
L’Afrique du Sud a longtemps été considérée comme la « sono mondiale » tant cet immense pays a infusé l’ensemble des styles traditionnels d’une multitude de peuples pour en construire une identité aux innombrables facettes.
Le quatuor Urban Village est à l’image de ce pays et plus particulièrement de Soweto dont les membres sont originaires. Créé dans les années 1950 pour regrouper les populations noires au sud-ouest de Johannesburg et les isoler de la population blanche, Soweto est très vite devenu un des townships les plus pauvres d’Afrique. Aujourd’hui en pleine mutation Soweto est riche de ces racines multiples et la musique d’Urban Village en est un reflet éclatant.
Lerato Lichiba est guitariste, Tubatsi Moloi chante et joue de nombreux instruments (flute, mbira, guitare, etc.), Smanga Dlamini est bassiste, enfin Xolani Mtshali (aka « Cush ») s’occupe de la batterie. A eux quatre ils composent les 10 pistes d’Udondolo en puisant dans le creuset des styles présents à Soweto : Xhosa, mbaqanga, maskandi, Isicathamiya tous typiques des origines géographiques de ces travailleurs migrants regroupés dans cette extension de Joburg.
Placer le disque sur la platine, c’est plonger dans ce qui fait Soweto aujourd’hui : un brassage incroyable porté pour une énergie créatrice hors du commun. Un pied dans le passé, intégré, digéré et assimilé, un pied dans l’avenir multiethnique et mondial.
Les 2 premiers titres de l’album sont accompagnés d’un clip chacun permettant de comprendre les enjeux de ces compositions :
« Izivunguvungu » est caractéristique de la musique Zoulou (l’Isicathamiya, traditionnellement chanté a capella) à laquelle Urban Village apporte un souffle de modernité en l’instrumentalisant au sens propre ! On peut percevoir l’idée maîtresse de ce titre ainsi : chaque jour passé loin de chez soi voit arriver son lot de difficultés et de tourments, mais les efforts quotidiens réussiront à nous ramener à la maison.
Le second titre « Dindi » est un splendide hommage à la beauté de la couleur de peau des femmes africaines. Alors que des crèmes blanchissantes causant autant de ravages psychologiques que dermatologiques sont encore vendues et utilisées, Urban Village participe à l’émancipation des corps autant qu’à celle des esprits. Ils rejoignent dans ce combat la grande Oumou Sangare, artiste présente sur le même label parisien à l’œuvre ici, nø Førmat ! Il faut à ce titre insister sur le travail incroyable de ce label : une sélection et un support d’artistes d’une finesse remarquable. Une production musicale et un soin donné dans la réalisation des pochettes qui mettent réellement en valeur les artistes produits.
C’est sans aucune hésitation qu’il faut s’immerger dans ce magnifique album et attendre avec encore plus d’impatience les futures dates sur scène de ce talentueux quatuor.
Nicolas Duquenne