Khaled Kurbeh & Raman Khalaf Ensemble – Aphorisms

décembre 2017 |

Henrik Schwarz est notamment connu pour son amour des fusions musicales. Le label Strut a édité il y a quelques temps un magnifique 12″ où Ebo Taylor et Pat Thomas étaient passés à la moulinette électronique. Aujourd’hui, c’est sous son propre label (Between Buttons) associé à K7! qu’il publie Aphorisms. De la Syrie à Berlin, il est question d’un duo de musique traditionnelle formé du oudiste Raman Khalaf et du pianiste Khaled Kurbeh. Un quintet allemand de la scène afro et expérimental vient leur apporter un soutien important : violon, batterie, djembe, contrebasse, etc…

Les 6 titres qui composent Aphorisms ont été enregistrés au cours de 2 années de tournée, de festival et de sessions studio. Des propres mots d’un des duettistes, il s’agit entre autre de rendre floues les frontières entre l’interprétation de compostions écrites et travaillées et les moments d’improvisation. Je ne sais pas si les frontières ont été supprimées, mais à l’écoute, il est terriblement difficile de qualifier cette musique intense mais pourtant vaporeuse, fragile et enveloppante. Le contexte international n’y est pas pour rien : la solitude et le désespoir décrits par les auteurs sont transcrits en musique, tantôt déchirante, tantôt fiévreuse, tantôt réconfortante.

Toska ouvre l’album. Introduction toute en retenue, les ténèbres prennent possession de l’espace où se trouve l’auditeur. C’était sans compter l’irruption lucifére du piano de Khaled Kurbeh. Peu à peu, menant combat entre obscurité et clarté, oud et piano entament un dialogue de paix. S’agit-il de jazz ou de musique traditionnelle ? Toska est dense et particulièrement cérébral. Avec le très bref Interlude se trouve le seul moment où un synthé se fait entendre. To Kafranbel offre une place importante à la contrebasse qui prend la direction de ce très beau morceau où viennent se mêler les rythmes syncopés proches d’un tango argentin et les couleurs harmoniques moyen-orientales. Le titre suivant Al baseet laisse de nouveau le Oud de Raman Khalaf dialoguer avec le pianiste qui vient ajouter quelques mélopées. Des claquements de mains alternent avec le djembé de Moussa Coulibaly, poussant progressivement Al basset vers Shamal, morceau le plus court de l’album mais aussi le plus énergique. Motif répété, voix lancinante forment un ensemble particulièrement réussi jusqu’à la coupure finale brutale.

Avec ces 6 titres, Khaled Kurbeh et Raman Khalaf redéfinissent les frontières de la musique populaire traditionnelle de l’Orient. Posant les limites d’un jazz fait de saynètes autant théâtrales que musicales, ils placent leurs compositions dans un univers spirituel et culturel…..loin, très loin de ce à quoi Henrik Schwarz nous avait habitué.

Nicolas Duquenne

Vinyle disponible chez Balades Sonores