F Ingers – Awkwardly Blissing Out
F Ingers, c’est un trio australien formé d’une fille et de deux garçons nommés Carla, Samuel et Tarquin. Mais F Ingers, c’est aussi et surtout un groupe au son unique quasiment indescriptible dont les morceaux ne peuvent pas laisser indifférent. En août 2015 leur premier album Hide Before Dinner paraît et on y perçoit déjà cet univers bien à eux fait de sonorités inquiétantes et envoûtantes à la fois, tels des chants ésotériques. La voix aux allures fantomatiques se fait aussi discrète que possible pour laisser toute la place à la musique et ainsi instaurer un univers où chaque son a des allures de découverte mystique. Cette tendance se poursuit avec Awkwardly Blissing Out réalisé le mois dernier : il est encore plus sombre que son prédécesseur et va jusqu’à nous donner des frissons. Cette chair de poule est-elle causée par le plaisir, par la peur, par les deux ?
Le titre My Body Next to Yours ouvre le bal est il annonce la couleur quant au reste de l’opus. L’atmosphère est bizarre, lourde, oppressante, voire terrifiante. Pourtant d’une certaine façon, on ne peut s’empêcher d’être transporté ; c’est comme une transe à laquelle on ne peut échapper. Et ce sentiment se poursuit au fur et à mesure que les morceaux défilent. L’album entier pourrait servir de soundtrack à un film d’horreur : tout y est aussi captivant et étrange qu’un trip psychédélique, à la fois hypnotisant et flippant. La voix n’est que murmure, écho, son étouffé par le brouhaha. Le parti pris est atypique puisqu’il s’agit d’instaurer un ordre nouveau en faisant le contraire de tout le monde : il ne s’agit pas de faire de la partie vocale l’élément central du morceau et de la partie instrumentale l’accompagnement mais l’inverse. On voit bien ici que la musique se suffit à elle-même pour nous faire voyager. Et même quand la voix est au cœur de la structure, comme dans Time Passes, on remarque qu’elle retourne très vite à ce rôle de bruit de fond, à cet état de voix d’outre-tombe qui caractérise le trio.
Pour finir, on peut noter que l’homogénéité de cet album est remarquable : tous les titres partagent la même structure et les mêmes ingrédients, pas un n’est meilleur ou moins bon que les autres, pourtant le disque parvient à éviter la monotonie, tout simplement parce que les trois Australiens ne semblent pas connaître ce mot. Avec Awkwardly Blissing Out, F Ingers donne l’impression de nous faire pénétrer dans une maison hantée. Il y a quelque chose d’effrayant et d’excitant dans cet opus qui nous fait ressentir un certain malaise mêlé de curiosité et qui nous incite à en vouloir plus. Le pari est définitivement gagné pour le groupe.
Lydia Mdjassiri
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