Chassol – Ludi
La musique de Chassol est composée pour être vue ; ses montages vidéo créés pour être entendus. Confusion des sens, synesthésie volontaire, Chassol s’amuse à transcrire les images et les paroles qu’il capture en mélodies.
Sur le très marquant Big Sun, Chassol nous emmenait à la rencontre du carnaval martiniquais à travers une galerie de portraits musicaux. Les phrases prononcées par les personnages étant séquencées et puis transcrites musicalement.
On poursuit ce processus de création tout au long du superbe double LP à la pochette soignée que sort le très hype label Tricatel.
L’avant-première de Ludi a eu lieu à Bruxelles, dans l’auditorium mythique de Flagey, l’ancien siège de la Radio-Télévision Belge l’an passé. Rien de fortuit à cela : Télé et radio, son et images. La doxa chassolienne réunit en un lieu, un espace !
Qu’on ne s’y trompe pas, malgré son nom et son écoute accessible, Ludi n’est pas un jeu. Ce serait plutôt la grammaire de Chassol. Il y édicte les « règles » de son travail si particulier : Faire émerger la musicalité de tout ce qui nous entoure, et plus particulièrement la phraséologie de notre langage. Pour cela, il sélectionne, sectionne, raboute et répète des mots, des phrases, des comptines enfantines. Subtilement, imperceptiblement parfois, le Rhodes Fender alors s’immisce, s’insinue, se confond puis prend le dessus des voix. Moins minimaliste et moins répétitif que ses créations précédentes, l’album Ludi reste fidèle à l’harmonisation et la « mélodisation » du monde selon Chassol. Rarement un disque aura renfermé autant de Musique.
L’incroyable oreille de Chassol guide toute sa création. Accompagnées par la batterie infaillible de Matthieu Edouard, les mélodies s’animent sous l’effet de cette énergie rythmique vitale. La modernité et la nouveauté de ce disque rencontrent inévitablement l’histoire du cinéma muet, lorsque l’on confiait au pianiste le soin d’accompagner l’image.
On ne sera donc pas étonné de retrouver Chassol au générique de nombreux films pour lesquels il fournit tout ou partie de la bande son. S’inscrire dans la grande tradition de cinéma et la transcender, telle pourrait être la mission que s’est fixée cet artiste.
On attend également beaucoup du prochain 7 » prévu à l’occasion du Disquaire Day où l’association Chassol – Magma promet de puissants battements de cœur.
Un disque à écouter patiemment pour en apprécier toute la profondeur, en attendant de pouvoir retrouver Chassol et ses collages vidéo-sonores sur scène.
Nicolas Duquenne
