Sun Ra & John Gilmore – The sky is a sea of darkness when there is no sun to light the way
L’ordinaire n’existe pas lorsque Sun Ra entre en scène. Le cosmos étant tout à la fois le berceau, l’arche et le tombeau de cet artiste, aucun référentiel terrestre ne permet de prendre la mesure de l’empreinte que plus de cinq décennies de création auront laissé au monde du jazz.
De nombreuses rééditions voient le jour régulièrement. Un album de 1965, un autre de 1974 puis une compilation de 45 tours inédits, un live de 1973 à Amiens etc… reprenant les multiples mutations nominales de l’ensemble accompagnant Sun Ra. L’Arkestra, L’Arkistra, The Cosmic Rays, L’Astro Infinity Arkestra. Difficile pour le profane de ne pas se perdre dans cette discographie colossale et mouvante. Réflexe totalement terrien que celui de vouloir établir une trajectoire prédéfinie autour de points fixes !
Le principe thermodynamique général régissant l’Univers est le même que celui en place dans l’œuvre de Sun Ra : l’entropie et le désordre. Ordonner une portion d’espace, de discographie c’est immanquablement faire naitre du désordre dans l’autre portion.
Cette absence volontaire de repères se retrouve dans la dernière et très belle production du label anglais ART YARD.
Un petit format (7 ») à 2 faces B : La première « The Sky Is A Sea Of Darkness When There Is No Sun To Light The Way » par le Sun Ra Quartet avec la présence du saxophoniste fidèle parmi les fidèles John Gilmore enregistrée en 1978
La seconde face B « Somewhere In Space » de Sun Ra And His Arkestra de 1958.
Voyage sonique à vitesse variable et voyage temporel de 30 ans en l’espace de 4 minutes 37 !
On l’aura compris, aux repères stériles Sun Ra aura toujours préféré la puissance des symboles.
Un nouveau portail d’entrée dans l’univers musical vient donc d’être ouvert : pas d’hésitation pour le franchir et parcourir un bout de chemin éclairé par les compositions lumineuses de musiciens hors du commun.
Nicolas Duquenne