Sugar Daddy de Joe King Kologbo & The High Grace
Le label Strut s’est fait une spécialité de rééditer d’anciens artistes, principalement africains, tombés dans l’oubli, et de leur redonner une seconde vie. Ce fut le cas d’Ebo Taylor, de Pat Thomas, d’Idris Ackamoor et donc dernièrement de Joe King Kologbo and The High Grace.
Le plaisir de la découverte commence avec la pochette sur laquelle Sugar Daddy, notre guitariste-chanteur en imperméable beige et pantalon patte d’eph s’apprête à ouvrir la porte d’une Range Rover bleue garée dans une rue de latérite rouge. Le décor est posé, le dépaysement garanti.
Pour l’anecdote, le 4 x4 est celui de Fela, pour lequel Joe King a parfois été guitariste dans les 70’s. L’emprunt au « Black Président » s’arrête là, et c’est tout l’intérêt de ces 3 pistes (15 min/ 7 min / 7 min, tout de même). Aucune volonté de (re)produire un Afrobeat, forcément moins maîtrisé que celui du Maître du genre. Mais une création originale entre high-life ghanéen dopé aux expérimentations électroniques précoces et rock steady. Quel plaisir d’écouter une musique qui prend le temps de s’épanouir, loin des formats actuels formatés et ridiculement courts !
Dans la 1ère piste Sugar Daddy, tout commence par une ligne de basse irrésistible ; la tête de l’auditeur s’ébranle, alors. La voix de notre papa gâteau se pose ensuite, puissante, chaude et évidemment entraînante ; le haut de corps accompagne maintenant les mouvements de la tête. Les cuivres arrivent ; c’est tout le corps qui est désormais en rythme pour les 15 minutes à venir. Du bonheur, on vous dit !
Au début des années 80, c’est le label Electromat qui éditait Joe King. Celui-ci s’était spécialisé dans le matériel électronique, et on s’amuse à rechercher les sons obtenus par les consoles triturées et les condensateurs saturés tout au long des morceaux.
La 2nde piste Come Back Lina pose une question : après les 15 minutes endiablées du 1er titre, comment peut-on quitter Joe King Kologbo ? Certainement une coquetterie passagère dont les suppliques de notre chanteur viendront à bout. Les guitares « frisent » à la façon de celles de Franco ou de Tabu Ley Rochereau. C’est bon ça ! Trop même !
Pour finir All Fingers Are Not Equal est un hymne volontariste aux harmonies étoffées, aux percussions lancinantes et entêtantes. Son seul défaut est de finir ce LP beaucoup trop rapidement.
Strut, avec cette réédition débute une série intitulée « Original Masters » et c’est un coup de maître ! On a hâte de découvrir les futures anciennes pépites afro, latino et caribéennes qui ressusciteront prochainement dans leur studio.
Nicolas Duquenne
Vinyle disponible chez Balades Sonores