Leyla McCalla – Capitalist Blues
Leyla McCalla est d’abord une violoncelliste de talent d’origine haïtienne, élevée par ses parents à New-York et installée depuis une dizaine d’années à la Nouvelle Orléans. Sur son 3ème album sorti il y a quelques jours, elle délaisse son instrument de prédilection pour une gamme de guitares acoustiques, électriques et de banjos.
Le Capitalist Blues de Leyla McCalla reflète son point de vue sur le monde moderne et ses dérives mercantiles. Avec cet album, pour la 1ère fois, elle est accompagnée de musiciens et elle a confié la production à Jimmy Horn alias King James. Cette répartition des tâches a agi comme un puissant catalyseur révélant les aptitudes instrumentales et vocales de l’artiste.
En autres nouveautés présentes sur cette très belle production, on trouve trois chansons parmi les plus acoustiques écrites et chantées en créole. Cette langue de résilience et de résistance au point de vue colonial est également un trait d’union entre la Louisiane et Haïti. Avec l’usage du créole Leyla McCalla souligne les similitudes existantes entre des peuples géographiquement aussi distants que ceux de la Caraïbe et du centre de la France partis coloniser le Sud des Etats-Unis à la fin du XVIIe siècle.
Piste par piste, l’univers musical de Leyla McCalla et le travail d’authenticité de Jimmy Horn se dévoilent à l’auditeur : du blues le plus pur (Capitalist Blues), au calypso de Trinidade (Lavi Vye Neg), en passant par une morna (Penha) capverdienne que n’aurait sans doute pas reniée la grande Cesaria, l’étendue de la maîtrise est impressionnante. D’autant que Leyla McCalla ne s’arrête pas à ces premiers morceaux aux particularités déjà si tranchées. Sur Heavy as Lead, un splendide morceau RnB soutenu par un son de Rhodes Fender plus tourbillonnant que jamais, le plomb devient de l’or entre les mains alchimiques de la musicienne. Oh My Love pourrait devenir un mètre-étalon de Zydeco, ce style si reconnaissable de la Nouvelle Orléans : accordéon et planche à laver à gratter indispensables. Quelques ballades supplémentaires s’intercalent judicieusement entre ces très beaux moments.
Un dernier arrêt sur Aleppo placé au milieu de l’album qui tranche nettement avec l’ensemble : des guitares électriques saturées et une ambiance particulièrement bruitiste pour traduire la violence du conflit syrien.
Capitalist Blues n’est pas un album militant, engagé ou revendicateur. C’est une contribution musicale au rapprochement entre les peuples, une démonstration de l’universalité des Hommes par le biais de leurs créations artistiques. Celles-ci étant traditionnellement décrites comme endémiques, Leyla McCalla réussit à mettre en avant leur interdépendance.
Nicolas Duquenne