Michelle Blades – Visitor

La parisiano – panaméenne Michelle Blades nous présente depuis le 29 mars dernier son quatrième opus solo : Visitor paru chez Midnight Special Records. Bouquets de rifts, tornades psychédéliques et balades langoureuses caractérisent cet album affirmé, planant et prometteur qui mène aujourd’hui l’artiste vers une consécration à la hauteur de ses nombreux talents.

Une Panaméenne à Paname

À 27 ans, la timide Michelle n’en est pourtant pas au printemps de sa carrière musicale. Elle nous l’a démontré au terme d’une journée des Disquaire Days et d’un passage remarqué au Café A pour une reprise de JJ Cale début avril, ce papier est aujourd’hui un juste retour des choses pour une artiste passionnée et passionnante dont la culture du disque a toujours bercé l’enfance. On la voit débarquer avec plaisir dans la capitale française il y a presque 10 ans par un hasard chanceux : à une heure près elle ne pouvait pas décoller à cause de l’explosion du fameux volcan islandais, mais y parvient quand même, pour assurer la promo de son premier album dans une tournée de concerts en appartements. Puis, de fil en aiguille, d’instruments en collaborations, elle est restée. Née au Panama et élevée à Miami, la jeune guitariste a ainsi puisé avec intelligence dans ses multiples influences culturelles pour mener sa carrière avec conviction. Jusqu’alors aperçue auprès de Flora Fischbach où elle était bassiste, cette multi-instrumentiste rayonnait déjà de mille feux dans ce groupe composé d’amis. Aujourd’hui, elle a complètement délaissé Fishbach mais s’est entourée du même guitariste que la lorraine : le très doué et charismatique Alexandre Bourit (Miossec entre autres). Avec un précédent EP Premature Love Songs sorti en 2017 dont le challenge technique était de le réaliser sans batterie, Michelle Blades s’amuse des contraintes inhérentes au milieu : pas d’attaché de presse, pas de schéma pré-établi pour la sortie de l’album. Ce dernier album a été entièrement enregistré de manière analogique par exemple. Que ce soit avec son groupe sud-américain Michelle Blades con los Machetes ou en solo, la jeune panaméenne continue sa prometteuse carrière comme elle ficelle ses albums, avec beaucoup de libertés.

Un album qui s’écoute sans fin

Visitor, c’est ce genre d’album qu’on écoute aux beaux jours autour d’une piscine un dimanche aprem ensoleillé tout en respectant sa vie et en ouvrant le livre de sa sieste. C’est aussi l’album qu’on ouvre un dimanche de pluie, les rideaux entrebâillés et les paupières saupoudrées d’un espoir de soleil heureux. Michelle Blades délivre ici la bonne recette pour nous attirer dans son univers rock dark, entre sensualité folk, bribes de punk et dimension psychédélique, avec une (très) grosse dose d’optimisme et d’entrain communicatif. La fille aux hautes Converse rouges, entretient une certaine idée de la beauté dark, l’esprit coincé entre la voix de Patti Smith ou des Kills tout en se mariant à merveille avec le thème de l’amour. Comme dans le très entraînant Politic! qui ouvre la face A et Time & water, une ode à la solitude. En face B, Piri Piri. Rarement un titre nous aura fait nous sentir aussi libéré et revenir en enfance tout en nous prenant avec autant d’envie, ce dernier est beaucoup plus côté qu’il n’y paraît de prime abord. De l’enfantine répétition « champignon! champignon » à une gestion des rythmes et des sonorités musicales très complète, il alterne à merveille les moments d’enfance et d’élégances rares. S’en suit des zestes de jeux de rifts sur la fin du titre Ring, où Michelle n’a pas perdu son chants au détriment de sa guitare, bien au contraire : cette artiste chante aussi de manière requinquée, enchantée et inspirée. Elle est une voix avant d’être une guitare. Blades remets les doigts sur les cordes de sa Fender et sur les touches de son orgue Farfisa pour jouer tour à tour Dr. Psych et Dr. Psych à la plage tout en liberté punk et en extase symphonique, on part loin dans nos pensées, on y reste et on y plane. Longtemps. Kiss me on the mouth, dont on arrive pas à déterminer s’il est le titre phare de l’album ou si c’est Politic!, est sublime. Tout simplement.

Finalement, Visitor est cet album inclassable qu’on apprécie en boucle et qui délivre à chaque nouvelles écoutes, une nouvelle pépite enfouie, deux faces bien distinctes : une rock – sensuelle – qui peut dériver et une seconde psyché – hypnotique – travaillée pour ce qui va composer l’un des albums 2019 tout court. Après un concert très réussi à la Maroquinerie début avril, un passage au Printemps de Bourges, Michelle Blades et ses musiciens continueront d’écrire l’histoire de Visitor le 19 juin à la Gaîté Lyrique où ils seront en première partie de Stephen Malkmus & The Jicks après avoir mené une tournée sur les routes américaines tout au long du mois de Mai. On est grave conquis !

Bastien Boisson