Les Liaisons dangereuses 1960 ou la résurrection d’un incurable

avril 2017 |

TM_LD1960“Intéressé par la musique de Thelonious  Monk. Stop. Pour un film…Stop”.

Fin juillet 1959, Marcel Romano ; qui avait déjà produit les BOF Des femmes disparaissent avec Art Blakey and the Jazz Messengers, Un témoin dans la ville avec Barney Wilen et surtout Ascenseur pour l’échafaud avec Miles Davis ; organise deux sessions d’enregistrements pour la bande originale du film Les Liaisons dangereuses 1960, de Roger Vadim. Encore aujourd’hui, l’importante contribution de Monk au film (sa seule et unique participation à une BOF) n’a jamais fait l’objet d’un album et reste indissociable de la pellicule.

Monk et Barney, un oubli discographique majeur

La séance d’enregistrement de Monk eu lieu le 27 juillet 1959 au Nola’s Penthouse Studio sur la 57e rue à New York, avec Tommy Nola comme ingénieur du son et Marcel Romano comme directeur artistique. Le groupe formé pour cette session était unique, en raison de l’addition du saxophoniste français Barney Wilen au quartet habituel de Monk à l’époque, qui comprenait : Charlie Rouse au sax ténor, Sam Jones à la contrebasse et Art Taylor à la batterie. L’existence de notes de Marcel Romano ainsi qu’une bande master stéréo montrent que la sortie d’un lp 30 cm était prévue en France, sur le label Fontana (sous-label de Phillips).

Si l’on retrouve des incontournables du répertoire monkien, comme Rhythm-a-ning, Well, You Needn’t ou Crepuscule with Nellie, d’autres titres font figure de raretés, voire d’inédits. Comme Light Blue un thème de 16 mesures dont c’est ici le seul enregistrement de studio et où le compositeur l’expérimente avec une rythmique inhabituelle. We’ll Understand It Better, By and By est ici la seule version enregistrée de cet hymne gospel composé par Charles Albert Tindley en 1905. Six in One, un thème en piano solo où Monk montre, encore une fois, son incroyable talent d’improvisation. D’autres titres dignes d’intérêt sont présents sur les bandes de production, comme Off Minor : une prise incomplète en trio (piano, saxophone, contrebasse) ; ou encore Epistrophy : deux prises incomplètes avec le quartet. D’autres prises incomplètes ou alternatives, des répétitions, ainsi que des discussions entre les musiciens et Marcel Romano, éclairent d’un jour nouveau les méthodes d’enregistrement de Monk. Toutes les bandes sont stéréo, 15ips (38 cm), format 1⁄4’’ et en très bon état, compte tenu de leur ancienneté. L’enregistrement est clair, avec une image stéréo large, un bruit de fond réduit et très peu de souffle.

Un projet ambitieux et une pêche miraculeuse

En 2014, Frédéric Thomas (Sam Records) et François Le Xuan (Saga Jazz) contactent des parents et des amis de Marcel Romano à la recherche d’incunables : « Nous recherchions des enregistrements inédits de Barney Wilen. Nous n’avons pas trouvé les enregistrements que nous recherchions, mais par hasard nous avons découvert un ensemble complet de bandes de studio portant le nom de Thelonious Monk! Nous savions que Monk avait enregistré la musique du film ‘Les Liaisons Dangereuses 1960’, mais nous ne nous attendions pas à trouver ces bandes 55 ans après la sortie du film. Ce fut un moment assez magique ! »
Fin 2014, Zev Feldman collabore au projet en établissant le contact avec la famille Monk pour obtenir les autorisations nécessaires et pouvoir enfin éditer cette cession historique.

Présentation luxueuse en coffret, avec 2 disques vinyles 180g pressés chez Pallas en Allemagne et livret de 52 pages. Édition numérotée et limitée à 5000 copies pour le monde.

Sortie nationale le 22 avril 2017 pour le Disquaire Day.

Rémi Vimard