Cadence Revolution – Les disques Debs vol 2
Alors que l’ensemble des pays se mobilisent contre le racisme institutionnel, les disques Strut ont la bonne idée de poursuivre leur collection de musiques des Antilles.
En effet, depuis longtemps et encore actuellement, la musique antillaise est au mieux ignorée, au pire caricaturée et réduite à la Compagnie Créole ou aux pires blagues potaches de Frankie Vincent. Sans entrer dans les polémiques, on est quand même stupéfié du mépris que le milieu artistique « métropolitain » ou plus exactement parisien témoigne à l’égard du groupe français ayant vendu le plus de disques dans l’hexagone et à l’international, à savoir Kassav’. Comment expliquer cela autrement que par des raisons raciales ?
Henri Farid Debs, dès la fin des années 50, a bien perçu le problème. Autodidacte, il crée son label, son groupe et son dancing devenu mythique depuis à Pointe à Pitre, en Guadeloupe. Rien à attendre de l’autre côté de l’Atlantique, c’est donc sur le sol et sous le soleil antillais que ce dénicheur de talents produira des centaines d’albums et autant d’artistes, certains éphémères, d’autres à la carrière presque éternelle (les Vikings).
Focalisés sur la décennie 1973-1981, les 2 disques parcourent une diversité incroyable de styles, démontrant à quel point ces îles ont été des terres de rencontres et d’échanges exceptionnelles. Toutes les ambiances caribéennes sont là : la salsa Porto Ricaine avec Typical Combo, le compas haïtien, le gwoka guadeloupéen, évidemment le calypso, la biguine, et même le reggae plutôt Dominicain des Midnight Groovers. Comme qui dirait, un gigantesque melting pot créole en pleine ébullition, que Henri Debs surveillait, entretenait et promouvait.
Bien sûr, comme pour toutes les compilations, certains morceaux plairont plus que d’autres, mais aucun ne laissera indifférent et surtout, avec autant de styles distincts, impossible de ne pas trouver chaussures à son pied !
Une occasion à saisir pour se plonger dans les musiques créoles, et casser les préjugés exotisants et dilettants de ces riches musiques.
Découvrons l’engagement politique du Super Combo à travers un morceau tel que « Moin Dormi Déroh » et souvenons-nous de la politique du BUMIDOM, qui voyait dans l’émigration des antillais vers la métropole la solution au développement des DOM et qui se traduisit dans les faits par des conditions de vie indignes telles que devoir dormir dehors.
Terminons cette chronique par un espoir : que toutes ses musiques fassent progresser les mentalités aussi efficacement qu’elles feront danser les chanceux possesseurs de cette belle production.
Nicolas Duquenne